Musique et tergiversation sur tout et rien, surtout rien.

mardi 12 juin 2012

Belzebong - Sonic Scapes & Weedy Grooves





Si la Pologne n’est pas en reste niveau metal, on est assez peu habitué à voir émerger de cette contrée des groupes de stoner doom. Il fallait bien remédier à cela, et c’est Belzebong qui s’est proposé pour expliciter au monde que le pays n’était pas à la traîne en matière de musique enfumée.

N’y allons pas par quatre chemins, il est inutile de s’éterniser : cet album est une tuerie.

Que ce soit le nom du groupe, le titre ou la pochette, d’emblée tout est dit et l’on sait à quoi s’attendre : de la fumette et autres chimies rigolotes, de la référence spatialo-zombiesque, du satan, et puis du groovy riffs qui n’ont d’égal que leur puissant fuzz.

Déjà vu me direz-vous, et je comprendrais très bien que vous préféreriez vous retourner vers votre discographie complète de Sleep, en double, une pour la collection, l’autre pour l’écoute journalière rituelle. Oui mais voilà, nos Polonais ont décidé de nous décoller de notre rituel en s’imposant sur la platine. Et quelle claque ! Si la référence à Sleep semble évidente (cf. le premier riff de l’album), elle a au moins le mérite d’être tout à fait digérée et intégrée à un propos personnel, qui n’est pas sans s’influencer d’autres références du genre (Bongzilla ne semble effectivement pas si loin).

Le fuzz est brûlant, les riffs sont riches et inspirés, ils creusent leur sillons dans nos crânes ravagés, le groupe parvient à se montrer novateur en imposant ses compos aussi heavy que psychédéliques. En gros, tu prends ta bouteille de whisky et tu ne te poses pas de question, tu te l’enfiles à mesure que les riffs te prennent, tu headbangues à t’en dénuquer la gueule, et puis tu profites du son bien crade qui t’es offert.

Faut-il vraiment rajouter quelque chose ? Ça groove, ça fuzz, ça arrache, alors qu’est-ce que tu faits encore là ?

Mange.

Windhand - Windhand





L’influence d’Electric Wizard n’est plus à démontrer, et l’on ne s’étonne pas de voir fleurir ici et là moult formations qui se réclament de la descendance du sorcier anglais. Avec plus ou moins de réussite, il faut bien le dire. C’est pourtant de l’un deux dont je souhaite parler aujourd’hui, car à force de se passer les albums de la clique du Dorset, j’ai eu l’envie de chercher un peu de sang frais.

C’est ainsi que les américains de Windhand me sont arrivés entre les mains, via leur récent premier album sorti par les soins des labels Forcefield Records et Mordgrimm. Et je dois dire que leur musique m’a bien plu et m’a semblé mériter qu’on s’y attarde un temps soit peu.

L’influence d’Electric Wizard semble évidente, au point que le terme « influence » semble se confondre avec celui de « plagiat ». Art du riff lourd et lent, accompagné par une lead guitare qui reprend le thème du morceau, répétitions des riffs au travers de l’album en en modifiant quelques aspects (ça sent le Witchcult Today à plein pif). Même sur la pochette, on retrouve plus ou moins maladroitement l’influence des maitres, avec les tons violets et noirs, les lieux plus ou moins hantés, les squelettes plus ou moins pixelisés (éh, les artwork, c’pas donné gars). Oui mais voilà, ça a au moins le mérite d’être relativement bien foutu et bien calé, quand bien même il n’y a rien de franchement révolutionnaire ici.

Le petit plus du groupe, c’est clairement la voix de Dorthia Cottrell, qui amène une autre dimension aux compos. Un chant aérien, complètement stone, avec cette désinvolture de la jeunesse droguée jusqu’à la moelle qui n’en a franchement rien à foutre de rien, qui préfère passer son temps la cervelle planant à cents kilomètres du corps, et qui ne compte pas franchement revenir de tout ça. On pense à une certaine Lori S. et ses formidables vocaux dans Acid King, oscillant entre trips psychédéliques et virées heavy accompagnées de motards pas frais sur des routes désertiques. La référence ne s’arrête pas aux vocaux, puisque certains riffs renvoient directement au meilleur du trio de San Francisco, avec ces riffs heavy as hell (le morceau Summon the Moon par exemple). Et on poursuit dans les références, car on retrouve également un certain côté Pombagira dans le riffing de Windhand, alors même que le groupe est cité dans le livret.  On vire presque à certains moments (la fin du dernier morceau) vers quelque chose qui tendrait vers du Sludge (très légèrement cela dit).

Alors oui, c’est un peu facile, un peu convenu, un peu kitch même (autant le violet de la pochette que les samples de pluie entre les morceaux). Oui, ça repompe sur les ainés sans avoir franchement de scrupule. Oui, ça manque de personnalité, dans les riffs et dans les solos, et c’est un peu trop répétitif pour être vraiment psychédélique. Mais étonnement, plus que de se laisser écouter, l’album défile et parvient à nous emporter dans son univers étrange et halluciné, confirmant son goût pour les choses simples et efficaces.

Ne nous y trompons pas, il s’agit là d’un premier essai. Windhand marque donc un essai sans le transformer, du fait d’un manque trop important d’identité. Dommage, car la qualité est indéniable, et la voix est un plus sur lequel le groupe pourra s’appuyer. Tout ce qu’il manque à cet album et à Windhand, c’est un propos personnel, une voie qu’eux seul emprunteraient, laissant de côté leurs influences, aussi riches soient-elles.

mardi 5 juin 2012

Ufomammut - Oro - Opus Primum



Directement venu d’outre-espace, le dernier Ufomammut vient fraichement de m’être livré par l’ovni du matin, premier volet d’un diptyque dont la fin nous parviendra en septembre 2012. C’est donc après un Eve très réussi, quasi charnel, tout en subtilité et douceur (autant qu’un riff doom peut se le permettre), que les trois italiens nous reviennent, avec dans leurs besaces du gros riffs fuzzy as stones et une pléiade de nouveaux effets extra-sensorielles.

Toujours aussi astral, l’album débute sur une longue monté en puissance, bardée d’effets qui font mouche et nous font décoller d’emblée vers les astres les plus lointain. Classique, en sommes, mais non moins efficace. Car on a beau dire et faire, ce premier morceau nous prends aux tripes. Et puis cela permet de se familiariser avec un son plus « crunchy », en quelque sorte, même si la distorsion est toujours aussi épaisse et fuzzesque à souhait. A noter aussi une production quelque peu différente comparativement à ce que le groupe proposait par le passé, moins massif (quel dommage) mais laissant ainsi plus de place aux effets en tout genres.

Ce qui déroute finalement, c’est le deuxième morceau. Si Eve annonçait déjà cette science de la monté en puissance forniquant avec la rupture, j’ai été violemment surpris par Aureum et son riff syncopé et répétitif, tellement qu’on dirait un truc sludge-corisant. Un truc oui, parce que malgré les écoutes, ça reste un morceau auquel je me heurt régulièrement sans toujours accrocher. Des riffs un poil facile, et puis surtout un manque de feeling et de continuité par rapport au reste de l’album qui se veut être une unique composition découpée en chapitre (là où justement Eve s’était révélé excellent). Mais je suis tatillon.

Parce qu’au fond, ce morceau est celui qui amène justement le propos de l’album. Après une longue introduction nécessaire pour nous ramener dans les sphères lointaines où s’épanche la créativité du groupe, un virage s’opère pour aller dans une contrée relativement nouvelle, rompant avec Eve et sa douceur abrasive. On se retrouve donc dans un monde tellurique, écrasant, avec un son plus rocailleux et moins céleste, du fait du fuzz toujours massif mais plus crunchy comme je l’ai déjà dit, accompagné par un riffing également plus sec et plus abrupte.

La suite évolue donc dans ce registre, avec le magistral Infearnatural, sans doute le meilleur passage de l’opus. Et vas-y que je te balance du riff ultra écrasant et répétitif, des tranches de riffs énormes et quasi insaisissables, comme des monolithes en mouvement, des tonnes et des tonnes de matières, de pierres, de poussières et de gaz qui se déplaceraient dans l’immensité de l’espace, paradoxalement à une vitesse effrayante et une lenteur impalpable en même temps.

Et puis revoilà la première mélodie de l’album qui revient, pas pour longtemps cela dit, emportée qu’elle est par des riffs sans noms, bruts et épais, sans ambigüité aucune. Les trois derniers morceaux sont tout à fait spectaculaires, complètement hallucinés, aliénant de répétitivité, quasi mystiques même du fait des vocaux. Ça tabasse, on est loin de la subtilité d’Eve, on est emporté par une danse quasi mécanique en ce qu’elle est immuable et intemporelle, nous sommes happés par une astralisation en cours, comme si nous assistions à la création même d’un univers, où l’on se sent à la fois une poussière d’étoile frôlant l’immensité des planètes et autres astéroïdes, et caillou stellaire pris dans une pluie de météorites.

Au final, passé un deuxième morceau un peu rude, on retrouve un album dense et intense, qui a osé s’éloigner du doom subtil et sensuel d’Eve pour revenir vers des éléments nettement plus sludge, faisant références aux précédentes sorties du combo. Le tout restant bien-sûr merveilleusement cosmico-psychédélique. A noter la fin de l’album qui aurait pu jouer la carte de la tranquille redescente, et qui a préféré poursuivre sur sa lancée épiquo-spatiale… de quoi mette en appétit pour le second volet. En attendant, on a quelques mois devant nous pour tenter un retour sur terre.

Lento - Icon



Après un premier album et une collaboration avec rien de moins que les italiens d’Ufomammut, Lento a quitté le label Supernaturalcat (celui des Ufo’s, justement), pour signer avec les allemands de Denovali. Dans sa besace, un nouvel album, Icon, devant succéder au génialissime Earthen. Autant dire que la tâche était lourde.

C’est donc avec une certaine appréhension qu’on appréhende la pochette de l’album, dans les tons gris-noir, très métallisée, très abstraite. Celle-ci nous introduit pourtant fort bien à la musique de ce nouvel opus qui, pour le coup, a su prendre un tournant tout en conservant sa marque de fabrique et son originalité.

A peine 38 minutes, ça paraît court pour le style pratiqué, c'est-à-dire un excellent mélange entre postcore et doom. On a donc le droit à des compos plutôt courtes, qui paradoxalement ne semblent pas se démarquer les unes des autres. Loin d’être péjoratif, cela amène plutôt l’idée d’un album très homogène, à tel point qu’on s’approche presque d’un album concept, où chaque morceau prend son sens au regard du tout : on se rapproche ainsi davantage de ce qui se pratique dans les styles cités à l’instant.

Ce qui marque à l’écoute de ce Icon, c’est l’écart conséquent avec le précédent opus. Si l’on reconnait le style de riffs et le son imposant, l’ambiance a radicalement changé, passant de quelque chose de plutôt aérien à une noirceur largement plus palpable, où l’aérien semble se cantonner au plafond d’une usine désaffectée ou d’un réseau souterrain profondément enfoui sous terre. Les seules accalmies sont plombées et plombantes, dans un registre ambiant s’approchant pour certaines d’un aspect religieux dans son aspect fataliste (non sans lien au doom, d’ailleurs).

Tout le reste n’est qu’un maelstrom de riffs massifs, qui sentent le souffre, abrasifs qu’ils sont, oscillant entre riffs lents et lourds suivi d’accélérations puissantes comme le groupe nous en avaient assénés sur Earthen, quasi épiques parfois. On dirait une sorte d’avalanche d’enclumes qui viendrait écraser toute subtilité et toute once d’espoir. En même temps, la musique reste très abstraite, notamment du fait de l’absence de vocaux, mais aussi par la froideur des riffs, parfois quasi bruitistes, mais surtout très déstructurés, comme s’ils avaient été hachés cliniquement et avec précision.

Lento, vous l’aurez compris, va bien au-delà des références postcore/doom (doomcore ?) pour aller jusqu’à s’approcher des eaux troubles de l’industriel. Intense, voire même paroxystique par endroit, Icon est un album exemplaire, parfaitement exécuté, subtil dans sa brutalité et riche d’une aura très noire présente du début à la fin et qui semble ne jamais pouvoir faiblir.

vendredi 1 juin 2012

Mars Red Sky et Papier Tigre - Angers - Le Chabada (30/05/12)

Mars Red Sky à Angers. Autrement dit, rien de moins que MA claque of the year 2011, qui vient comme ça, innocemment, dans ma ville.  Ça se passe au Chabada (autrement dit, la SMAC locale qui m’a surpris en proposant un groupe de stoner, pas franchement le genre de la maison malgré leurs influences nettement rock et l’histoire locale très marquée par ce registre), en première partie de Papier Tigre. D’aucun dirait : « KEU WAH ? », et je serais d’accord avec eux, parce que quand on connait le groupe, on ne comprend pas que les gens ne s’y attarde pas d’avantage. Première partie SEULEMENT ? Mais n’avez-vous point de goût ? Comment ? Vous n’avez effectivement pas de goût ? Ah, autant pour moi. Ben tant pis, moi, je serais devant en train de planer.
Pardon ? Vous demandez quoi ? De… ? De L’objectivité ????
Non, mais là franchement, non. Objectivité pour Mars Red Sky ? Et pis quoi d’autre encore ?
Mars Red Sky, ça s’apprécie sans objectivité, sinon on risque de louper l’essentiel. Et pis si t’aimes pas, c’est que t’as rien compris, faut pas chercher plus loin.
Mais soyons sérieux (au moins un peu).



Malgré une rude journée commencée à 6h15 avec à peine un œuf et une tranche de jambon (j’ai une vie palpitante, je sais), je me retrouve avec ma pinte fébrilement tenue, impatient que je suis, devant les amplis du groupe. On débute en douceur, avec une petite intro tout en psychédélisme. Et PAF, ça enchaine par du lourd, « Curse », rien de moins, et c’est presque dommage parce que la batterie est trop forte et la guitare pas assez présente. Résultat des courses, on passe un peu à côté d’un de leur meilleur morceau.
Pas grave, puisqu’on a rapidement eu droit à « Strong Reflexion » : vol direct pour un ciel désertique, loin, très loin. Le tempo est plus lent que le morceau original, et autant sur une vidéo via le net ça m’avait inquiété, autant en direct c’est tout à fait pertinent, on prend le temps d’aller au bout du son, de profiter au maximum de la dissonance entre la sensation d’écrasement due à la distorsion super lourde et l’impression de planer, amenée par les effets du guitariste. Et pis ce solo, non franchement, je ne peux rien vous dire d’autre, c’est juste jouissif.

Le son s’est affiné peu à peu, à mesure que les lampes chauffaient (et que l'ingé son régulait tout ça, sans aucun doute), prenant de l’ampleur, s’installant dans tous les recoins de la pièce. La basse, bien ronde et bien épaisse, envoyait tranquillement, lourde et écrasante comme il fallait. On a aussi retrouvé la voix si particulière de Julien Pras, haute perchée et invitant à la contemplation psychédélique. Les solos, tout en réverb’ et autres effets, ont largement contribué à ce sentiment cosmique, quasi mystique d’ailleurs parfois. Enfin, n’oublions pas la batterie et sa frappe vigoureuse, écrasante même, autant qu’hypnotique, adoucie par un jeu de cymbales tout en douceur (là encore, on retrouve la dichotomie entre la lourdeur et l’aérien).

En guise de bonus, on a eu le droit à deux nouveaux morceaux. Un premier dans la veine du groupe, entre gros son et mélodie psyché. Et puis surtout, un deuxième morceau puissamment stonerisant, avec un riff puisé à la source, c'est-à-dire en direct référence au Dragaunaut d’un certain Sleep. Autant dire que ça groovait et qu'on se surprenais à être en train de secouer la tête. Un bel hommage et une compo très réussie.

Encore quelques morceaux et le groupe a finit par nous quitter, dans la plus grande tristesse pour ma part, et ce malgré un accueil mitigé au Chabada, m’a-t-il semblé, pas forcément habitué à un son aussi lourd et massif peut-être. Les morceaux furent aussi puissants que sur l’album, plus encore du fait de la puissance du son, ce fuzz si magnifique, et si magnifié, tout chaud et tout craquelant, tellurique au possible. Il n’a manqué que peu de chose pour être complètement happé et transporté, peut-être un peu plus de monde, peut-être aussi un ou deux éléments étaient-ils mal calés (lorsque le bassiste a chanté, je crois que ça a été… disons, un peu faux). Qu’importe, le groupe a confirmé pour moi son originalité et sa puissance, qui n’ont rien à envier aux influences divers qu’ils citent (du stoner doom au psychédélisme).



Le temps d’une pinte et les Papier Tigre se sont ramenés, et je dois dire que c’était plutôt plaisant pour l’amateur de The Foals que je suis (« Antidotes » et c’est tout) . Papier Tigre envoie, différemment car ce n’est pas du tout le même style, on verse plutôt dans le mathrock mélangé avec du punk et de la pop. Tout d’un coup ça riff avec de la disto à fond et paf, ça s’arrête net avec un son tout propre et des mélodies dans tous les sens. Les tempos m’ont aussi semblé très changeant, accompagnant l’aspect syncopé de la musique. Pourtant, au-delà de la complexité de l’affaire, difficile de résister à l’envie de faire mouvoir son corps un peu n’importe comment.



Fin du concert, j’échange quelques mots avec un inconnu notoire qui me précise que bon, lui, on ne la lui fait pas. Il vient de Bordeaux (lieux d’origine de Mars Red Sky), et pis Noir Désir tout ça, on a jeté des gens dans le fleuve local mais c’est pas su et il ne faut pas le dire mais c’est vrai. Parce que bon, il me précise qu’il n’est pas spécialement pour la thèse paranoïaque mais qu’à Angers, c’est, pareil : on jette des gens dans le fleuve. Je ne comprends pas grand-chose et je pense que lui non plus, puis une autre personne arrive pour récupérer son vélo, alors il fuit, en vélo aussi.

Une très bonne soirée, je rentre avec des oreilles enchantées, emplies de fuzzy fuzz comme je l’aime, en attendant la suite des Mars Red Sky. Si vous n’avez pas l’album, jetez vous dessus, c’est du tout bon (cf. chronique ici-même, c'est-à-dire -là-, si vous préférez). Et le vinyle est d’excellente qualité, qui plus est. 

Pour vous donnez une idée (ne manque que le son en live, impossible à capter en vidéo…) :