Musique et tergiversation sur tout et rien, surtout rien.

vendredi 30 novembre 2012

Shining - Redefining Darkness




Redefining Darkness est donc le 8ème album de Shining. « Le plus sombre » comme d’habitude évidemment, accompagné avec toute la pseudo promo sur l’absence de la numérotation romaine et le design de la pochette. Qu’en dire ? Rien, car il n’y a fondamentalement rien d’intéressant là-dedans. La pochette est globalement laide et n’apporte pas grand chose au propos du groupe (l’ombre dans la lumière et tout ça… sérieusement ?). Quant à l’arrêt de la numérotation, celui-ci ne fait même pas sens puisque le groupe poursuit dans le style lancé avec leur sixième album, sans évolution majeure, sans rupture avec ce qui a précédé.

Mais reprenons un peu en avant si vous le voulez bien. Klagopsalmer m’avait plu, malgré la déception comparé à Halmstad. Je m’étais dis que le groupe expérimentait sans doute de nouvelles pistes, ce qui nécessite forcément un temps d’adaptation, de recherche. Les compos m’apparaissaient non abouties, mais pas inintéressantes pour autant. Seul défaut de l’album : il est vite devenu insipide et ennuyant. La sortie du septième album m’avait rendu violemment sceptique également : je le trouvais mal mené, avec des idées brouillons non abouties, des ambiances tronquées pour être remplacées par de la bouillie de metal.

Et bien c’est la même chose ici. Rien n’est abouti, tout est réutilisé. Et vas-y que je te place un riff qui ressemble à un autre déjà joué sur un autre album mais un peu différent, et vas-y que je te réutilise des idées pas fraîches (et bim un zolie arpège, et bam un interlude au piano en guise de cinquième piste). Ouais mais ça ne fait pas tout. Alors hop, on mélange à ce qui sonne à mes oreilles comme une vilaine bouillabaisse metal, toujours aussi indigeste, sans personnalité, sans intensité émotionnelle et surtout sans intérêt. Bref, Shining secoue toujours les mêmes éléments et obtient donc globalement la même sauce que sur ses deux derniers albums. Je n’ai rien contre les groupes qui suivent une ligne plutôt intégriste quand à leur manière de composer et jouer de la musique, ni contre les groupes qui expérimentent et tentent d’évoluer. La question qui me reste pour juger d’un parti pris artistique sera toujours l’ambiance globale et sa cohérence générale : ici, rien ne semble tenir la route, l’écoute n’est pas fluide et au final on se lasse.

Reconnaissons tout de même que Kvarforth et son équipe ont encore quelques bonnes idées, dissimulées ici ou là. Le retour de quelques riffs plus black par exemple (sur le premier morceau surtout) ; un son de basse toujours aussi imposant et rond ; des arpèges qui malgré leur prévisibilité apparaissent tout de même remarquablement travaillés, donnant une vraie profondeur à la guitare sèche (un peu comme sur Halmstad… mais juste un peu). Et puis il y a aussi ce second morceau, qui me fait dire « mais quel gâchis ». C’est à mon sens la seule compo réussie sur cette galette, ce qu’on doit en partie à l’utilisation d’un saxophone qui porte une grosse partie de l’ambiance globale du titre et apporte aussi un nouveau visage au groupe, ébauché depuis un certain temps déjà, autour d’un aspect plus nostalgique que désespéré. Quand j’entends ce morceau, je ne peux m’empêcher de penser que le reste est raté. Pire encore, j’ai la désagréable sensation que le groupe aurait sincèrement pu faire quelque chose de bon, voire d’excellent, quand je regarde leurs trois derniers albums : ça fourmille de bonnes idées, qui ne demanderaient qu’à être approfondies, mises en avant, construites, accompagnées à bonne escient. Mais ça, c’est le boulot d’un vrai groupe.

Je n’attendais rien de spécial de cet album, mais pas à ce point… Que Shining cherche à innover, pourquoi pas. Qu’il songe à utiliser des structures pop mélangées à du metal conventionnel, je n’ai rien contre. Qu’ils essayent d’approfondir ce qui avait rendu Halmstad exceptionnel, c'est-à-dire toutes ces parties blues, je suis absolument pour. Mais pour l’amour de la musique, qu’ils réécoutent ce qu’ils font et qu’ils prennent le temps de composer un vrai album, de bout en bout, plutôt que d’agir à la va-vite et de tout gâcher.  Il est rare que je descende une sortie, et c’est davantage d’un coup de gueule dont il s’agit ici : le groupe vaut mieux que ça et il le sait.

dimanche 18 novembre 2012

Atriarch - Forever the End





Il y a bien longtemps que je n’avais pas déniché pareille musique… Ce premier album d’Atriarch (à moins qu’il ne s’agisse d’un ep ?) m’était complètement passé à côté des esgourdes, et c’est la sortie toute récente de leur second opus (Ritual of Passing, chez Profound Lore) qui m’a fait me pencher sur les américains issus de l’Oregon.

Forever the End a vu le jour en 2011 chez Seventh Rule Recordings, soit deux ans après la création du groupe. Quatre morceaux pour un peu plus de trente-cinq minutes, une durée correcte pour un premier effort, de quoi s’humecter le cerveau avec leurs ambiances sans se retrouver à sec trop vite, tout en laissant naître la curiosité de voir la suite.

Et il faut bien reconnaître que le groupe a réussi là un petit tour de force. Car si dans l’ensemble il n’y a rien de transcendant ou de fondamentalement novateur, le groupe se dégage du lot par la force de son propos, l’intensité de ses compositions et le feeling joyeusement malsain qui se dégage de leur galette. D’ailleurs, c’est à peine si on remarque les petits défauts de l’album, à savoir un son peut-être un poil cheap mais qui vient pourtant renforcer l’aspect crasseux de la chose ; et également certains riffs pouvant paraître quelque peu évidents, mais qui restent néanmoins toujours accrocheurs.

Question ambiance, on oscille entre des résonnances distordues, comme enfermées dans une bouteille bien trop vide ;  des sons de claviers erratiques dont on ne sait pas s’ils proviennent d’un black metal ambient et dépressif ou d’un doom death au relent goth et funeral en même temps ; des influences légèrement rock parfois, bien que pas « 'n roll » du tout ; une batterie funéraire ; du riffs lourds et lents comme ce devrait toujours l’être, quasi drone ; une basse évidemment ronflante et écrasante ; une alternance schizophrénique entre hurlements torturés très black metal, growls glaireux et chant clair incantatoire aussi halluciné que désespérément post-punk. Bref, on croise un beau mélange de genre, et l’on pense en même temps à Urfaust, Hjarnidaudi, pourquoi pas Evoken, le dernier Ramesses aussi, The Gault évidemment, Funeralium et autres allumés du genre comme Wormphlegm, mais aussi certains groupes de sludge voire même de black dit dépressif (ceux qui parviennent à faire quelque chose d’accrocheur et pas complètement inintéressant en tout cas).

Avec tout ça, on se doute tout de suite que les thématiques abordées seront à la hauteur de ce qu’on écoute. La musique d’Atriarch est malade, rongée de bout en bout par l’angoisse, en proie à des idées noires tellement épaisses qu’aucune lumière ne semble pouvoir ne serait-ce que les écorcher. La mélancolie fataliste à l’extrême se voit érigée en philosophie et conduit au culte du vide spirituel, celui qu’on rencontre à observer le monde avec trop de justesse. A ce titre, les différentes voix utilisées donnent une profondeur indéniable à l’ensemble, en offrant une certaine largeur au panel d’émotions qui passe de la morosité à la rage, de la douleur existentielle à l’explosion de folie.

Atriarch nous offre ici un excellent premier essai, rivalisant aisément avec les chefs de file du genre. La maîtrise des compositions est évidente et la créativité bien présente. Tout est là pour offrir une suite digne de ce nom à ce Forever the End.