Ben ça alors… Toner Low qui nous sort un troisième album, moi qui avait
finit par me persuader que non, c’en était fini du groupe, après deux très bons
albums (respectivement 2005 et 2008). Et les voilà qui reviennent,
discrètement, l’air de rien, nous offrant leur nouvelle récolte. Presque cinq
années auront donc été nécessaires pour que le groupe pousse à maturation leur
compos. Et vu la couleur des vinyles, autant dire que ça sent la bonne came.
Pas la peine de chipoter : « III » pour notifier qu’il
s’agit là du troisième album, quatre morceaux, un par face, intitulé de manière
très sobre (phase 6, 7, 8 et 9). En guise de pochette : des feuilles de cannabis.
Je crois que tout est dit, au moins c’est clair et on n’aura pas à aller
chercher une éventuelle explication mystique sur le sens de l’album et des
paroles (n’est pas Neurosis qui veut, hein).
A peine la galette posée sur la platine, on se confronte à un mur de
son gigantesque, digne des plus couillus de la scène stoner-doom. En un mot
comme en cent : MASSIF. Epais, aussi. Incroyablement intense, détaillé,
énergique, subtile tout en restant mastodonte. Du Toner Low, en somme, mais en
version upgrade, me semble-t-il, de la même manière qu’entre le premier et le
second opus, le son avait déjà gagné en puissance. Alors par contre, il n’y a
pas vraiment le choix : il faut écouter ça fort. Très fort. Sinon, ça ne sert
à rien et on perd la moitié de l’album. D’ailleurs, le degré de plaisir est
directement proportionnel à la hauteur du volume.
Et puis il y a ces fameux riffs, aussi accrocheurs que répétitifs. Là
encore, du Toner Low tout craché, mais en encore plus addictifs, plus complets,
mieux travaillés. Au fond, on a là un excellent mélange de musique
psychédélique et de doom, où le riff est roi pour créer la léthargie, nous
guidant dans les outre-sphères intersidérales et les errances hallucinées de
tout poil. Quasiment pas besoin de chant, tout est dans les variations des
riffs ; et vas-y que je t’en ponde du hyper entêtant, puis que je te balance
des vocaux arrachés, avec quelques effets/solo bizarroïdesques. A peine
quelques petites pauses dans tout ça, juste de quoi éviter l’explosion des
tympans, par exemple avec le début du troisième morceau, très ouvert, qui
finira bien sûr par s’embourber comme il faut dans son fuzz. Et pourquoi pas
aussi que je te plongerais dans une contemplation crépiteuse, écrasée que tu es
par tout ce fuzz qui dégouline de partout, tout en lenteur, tellement que le
son paraît se décortiquer devant tes mirettes qui en chialent de bonheur. Car
oui, le plus jouissif dans cet album, là où le groupe excelle, c’est
typiquement dans les passages ralentis, très ralentis, qui permettent autant au
son de se déplier et d’exprimer au plus juste toute sa puissance qu’aux
ambiances de s’approfondir, de s’alourdir, bref : de donner toute son
envergure au groupe qui ne fait pas qu’enchaîner des suites de riffs « cools ».
III est donc une petite tuerie, bourrée de références bien digérées et
subtilement insérées dans les compos, lorgnant autant du côté du drone que du
sludge et, bien entendu, du stoner. Plus encore, ces références s’effacent quasi
complètement pour laisser place à l’ambiance unique dessinée par le groupe. Ces cinq ans d’attente semblent ainsi tout à
fait justifiés, permettant à Toner Low de creuser un peu plus son sillon et
d’assoir sa présence dans cette scène stoner doom pas si surchargée que ça
quand on y pense bien.
A écouter d’urgence, on n’est pas loin du chef-d’œuvre tellement on y
revient régulièrement pour se reprendre une nouvelle claque.