Il y a bien longtemps que je n’ai pas écris un peu sur un album ou un groupe. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir écouté de la musique, partout et dans tous les sens, mais le temps restera toujours pour moi une énigme et continuera à me filer entre les doigts sans que je puisse le retenir : ceci explique en partie pourquoi je n’ai plus rien écrit depuis… je préfère ne pas compter. Et puis soyons honnête, il y a eu un peu de flemme aussi. Tâchons de réparer ça, pour aujourd’hui au moins.
Blut Aus Nord jouit d’une certaine réputation dans la scène black metal
et sans doute plus généralement metal, réputation qu’ils n’ont pas usurpée. The Mystical Beast of Rebellion et The Work witch transform God restent
pour moi les deux pièces maîtresses de Blut Aus Nord, ravivant à chaque
nouvelle écoute l’angoisse première qu’ils m’avaient procuré, chacun à leur
manière. L’écoute nocturne de ces deux œuvres, les yeux dans le vide, sidéré
par l’écho de la musique avec mon propre chaos intime, m’a laissé longtemps
sans voie. Encore aujourd’hui, écrire sur ses albums me paraîtrait une tâche
impossible. Mon décrochage d’avec le groupe s’explique sans doute finalement
par la perte, peu à peu, de l’énergie qu’on trouvait sur ces deux albums. Comme
s’il y avait eu une dilution de leur créativité et de leur intensité. J’avais
trouvé Odinist trop
« anodin » (bien que sympathique) pour un groupe de cette trempe. La
poursuite de leur premier Memoria Vetusta
m’avait aussi laissé passablement indifférent : Dialogue with the star a cette fâcheuse tendance à m’endormir, allez
savoir pourquoi.
What Once Was a pourtant réussi à réveiller l’angoisse, en me ramenant
directement aux ambiances de l’époque. J’en fus le premier surpris, car j’avais
plus ou moins mis en berne le groupe, sans plus rien en attendre, écoutant
éventuellement de temps à autres les anciens albums.
La claque fut de taille, car ici Blut Aus Nord replonge dans une
musique nettement plus abrasive, en complet décalage avec la subtilité certaine
de leur dernière trilogie. Exit la pose d’ambiance chiadée, bien travaillée,
exit les constructions complexes. On y retrouve toute la force dévastatrice de
Blut Aus Nord, cette capacité à s’insinuer dans le crâne et à imposer sa
terreur, jouant avec nos peurs et nos trippes, jonglant avec les ambiances pour
mieux tirailler l’esprit.
Le plus curieux reste pour moi la sensation que la musique offerte sur
ces deux galettes n’a rien de nouveau, elle n’est pas expérimentale du tout et
on pourrait même dire qu’elle est relativement classique, y compris dans les
ambiances qui restent plutôt du côté du « déjà entendu ». On a donc du
black metal quasi « nostalgique », proche d’un death old-school
parfois d’ailleurs, avec des ambiances qui puent le souffre et la folie. Bref,
Blut Aus Nord donne un peu l’impression de s’être livré là à une régression un
peu facile, et c’est tout juste si on n’a pas la sensation au départ d’écouter
un album qui aurait du sortir il y a un peu plus de 10 ans.
Mais voilà, je dois bien reconnaître qu’appréhender ces deux albums
avec objectivité est un non-sens. Car là où Blut Aus Nord excelle, c’est
justement dans la manière tout à fait singulière qu’il a de manipuler ses
ambiances pour en extraire l’essence même et la distiller par tous les sillons de
ces vinyles. On est comme happé par une bouffée de noirceur étouffante, balancé
dans un labyrinthe glauque et moribond dans lequel on se perd malgré nous avec
effroi. Les horreurs rencontrées ici où là semblent faire écho à nos propres monstres,
nos propres angoisses, et au final j’ai retrouvé la sensation qui m’avait tant
scotché sur The Mystical Beast of
Rebellion. Les écoutes différentes permettent d’ailleurs de découvrir une
construction beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, révélant le travail
d’ambiance extrêmement fin et complet auquel s’est livré le groupe pour
constituer un univers cohérent et extrêmement efficace.
What once was… est donc un diptyque sidérant, d’une intensité bluffante
et quasiment sans fausse note. Blut Aus Nord a curieusement su raviver un feu
ancien sans tomber dans une simple nostalgie, parvenant ainsi à proposer une
musique envoûtante et puissante, aussi complexe que ses dernières créations (la
trilogie 777, notamment). Il ne me reste qu’une question, basée sur le titre
lui-même : ce qui fut autrefois. Si l’expression paraît adaptée au style
pratiqué, est-ce une manière de nous dire qu’il s’agit là de morceaux créé à
une autre époque auxquels nous n’auront désormais plus droit ? Ou pouvons-nous
au contraire espérer que le groupe ait souhaité raviver des ambiances qui lui
sont chères, laissant ainsi entrevoir la possibilité d’une suite ?