Musique et tergiversation sur tout et rien, surtout rien.

samedi 29 mars 2014

11Paranoias - Spectralbestiaries






Spectralbestiaries n’aura pas tardé à faire son apparition après le premier EP du groupe. D’ailleurs on pourrait se demander si c’est vraiment un album, puisque la durée de l’opus s’approche tout à fait de celui du premier EP, présentant « seulement » cinq nouveaux morceaux qui passent beaucoup trop vite. Mais au fond on s’en fout pas mal et comme pour la dernière fois, ça paraît plutôt pas mal calibré comme ça.

Que trouve-t-on ici que nous n’avions déjà perçu avec Superunnatural ? De prime abord, pas grand-chose. Si je devais être honnête, il me faudrait même avouer l’indifférence globale ressentie à la première écoute, mêlée d’étonnement face à ce que je venais d’entendre, qui ne correspondait pas franchement à ce que je pensais trouver sur cette galette. On prend les mêmes et on recommence ? Un peu, oui : compos écrasantes parsemées de bidouillages sonores en tout genre, et puis un son cradingue, plus punk que jamais, du style qui soigne tes acouphènes par le mal.

Un peu rapide comme analyse, quand on y pense, parce qu’il fallait bien s’attende à ce que ça vienne nous surprendre par derrière, sans qu’on s’y attende. Tout se joue dans l’ambiance, qui n’a plus rien à voir avec Ramesses, à part en de rares endroits (la fin du premier morceau par exemple, ou le quatrième). Ici, on frôle encore plus un aspect  « rock », au sens très large, quoique toujours plus crasseux. On a ainsi des mélodies parfois très accessibles, qui déroutent celui venu chercher les horreurs classiques et la bourrinitude sludgesque conventionnelle. Ben oui, au final, 11Paranoias s’éloigne encore plus du sludge, en cela que les aspects doom et hardcore sont franchement dénaturés, dilués qu’ils sont dans un mélange d’effets en tout genre, cocktail hautement psychédélique sûrement causé par la présence de Mike vest (Bong) dans tout ce foutras.

Au fond, on se dit que le terme n’a sans doute pas encore été inventé pour décrire ce genre de saleté qui dégueule un rock’n roll tout à fait punk, tellement qu’il en est même cold-wave-esque, gavée de pilules-effets douteuses qui creusent l’espace sonore, offrant au final un objet déroutant, borderline de par son instabilité, débectable de crasse et curieusement addictif malgré son aspect primitif.

Malgré l’approximation du son qui frôle la plupart du temps le foutage de gueule, force est d’avouer que cet album est un beau salopard, tout à fait nocif et jusqu’au boutiste. Pas si loin d’un Urfsaut, en moins black metal et en plus toxique, dans le registre du désespérément foutu. Et j’ai beau chercher, je n’arrive pas à trouver un groupe qui soit aussi cynique qu’eux.

11Paranoias - Superunnatural






C’est peu après la fin de Ramesses qu’a surgit 11Paranoias, que l’on pourrait résumer en gros à « Ramesses avec un gars de Bong » (Mike Vest, en l’occurrence). Autant dire une affaire de famille. Superunnatural est donc le premier EP du groupe, regroupant quatre morceaux pour un total de 26 minutes.

La fin de Ramesses n’avait pas franchement été une bonne nouvelle, étant donnée la qualité de leurs sorties et leur ambiance tout à fait singulière qu’ils avaient su imposer dans le milieu. En témoigne leur dernier album, « Possessed by the rise of magic », qui avait marqué un affranchissement encore plus poussé des codes habituels du sludge pour offrir des expérimentations plutôt réussies, n’hésitant pas à lorgner du côté de la cold wave par exemple.

Je n’ai absolument aucune idée de ce qui a poussé Ramesses à s’arrêter (ou plutôt, à se mettre en pause pour une durée indéterminée…), outre le départ de Tim Bagshaw si je ne m’abuse. Une chose est sûre néanmoins, c’est qu’à l’écoute de ce Superunnatural, on comprend qu’il ne s’agit pas tant de la fin de Ramesses que de son évolution logique. Déjà dans leur dernière galette, on sentait que leur sludge trépassait pour laisser place à des influences moins habituelles dans le genre, comme je viens de le dire. Et bien autant dire que la bête est désormais lâchée, et que l’équipage a sérieusement sombré et perdu le contact avec la réalité : on garde la puissance du sludge d’antan, mais dégagé des habitudes et des attentes que l’on pourrait avoir quand on pense à ce registre musicale, pour laisser la place à une sérieuse dose d’un psychédélisme malsain et maladif. C’est déroutant de prime abord, tellement que c’est crade, punk, joyeusement nihiliste, inquiétant même, dans la version angoisse qui fissure le crâne. Mais c’est aussi salement addictif, à faire passer les ténors du sludge pour des amuseurs publics.

L’EP est court, ce qui est autant une qualité qu’un défaut. Une qualité d’abord, parce que c’est déjà suffisamment éprouvant comme ça et que les morceaux auraient facilement pu devenir trop répétitif s’il y en avait eu d’autres. Un défaut ensuite (surtout ?), parce que quoi qu’on en dise, on s’en enfilerait bien encore un peu (et alors, qu’est-ce que j’en ai à foutre ? Et puis j’arrête quand j’veux de toute façon…). Je pense notamment au dernier morceau, Inside Eusas Head, qui prouve sans difficulté que le groupe à les compétences nécessaires pour calmer le jeu, mettre en avant leurs délires bruitistes et instaurer une ambiance plus posée mais non moins noires et enfumées. Et ils sifflent, en plus, les bougres ! C’est précisément dans ce morceau, à mon sens, qu’on comprend où le groupe nous emmène désormais, dans les crépitements sonores secondaires, ceux qu’on n’entend jamais la première fois mais qui s’insinuent peu à peu, dévoilant le contour d’une œuvre étrange, écrasante et impalpable à la fois.

Vraiment, à l’écoute de cet EP, on n’attend qu’une seule chose : une version longue de tout ça.